CAE, « médiateurs » : précarité et tours de passe-passe pour masquer les réductions de postes

lundi 22 juin 2009
par  SUD Education 92

Après l’annonce médiatique du recrutement en période de crise de 5000 contrats aidés pour lutter contre l’absentéisme dans les établissements du second degré, le Ministre de l’Education Nationale en a précisé, le 27 janvier 2009, les modes d’application (voir circulaire ci-dessous). Recrutés avec le statut de CAE (Contrats d’Accompagnement dans l’Emploi), ils doivent le plus souvent faire un travail de surveillant mais n’en ont pas le statut (« Assistant d’éducation »). La manœuvre masque les manques criants de surveillants dans les établissements scolaires, et le recours désormais massif à un « dumping » statutaire à l’embauche : quand on a besoin de surveillants, il paraît désormais naturel à nos autorités de recruter des CAE, un statut ultra-précaire inacceptable... Explications.

Lorsque l’agression d’une collègue au lycée Rostand de Mantes a conduit les personnels à demander de récupérer des moyens perdus en surveillants et de couvrir de nouveaux besoins, la réponse de l’Inspection Académique a été édifiante : généreusement, ils proposaient 5 « médiateurs ». La circulaire définissant la fonction de ces médiateurs était sortie en janvier : il s’agissait de proposer « 5000 »médiateurs de réussite scolaire« ... sous statut de contrat aidé ... dans un millier d’établissements ». Agression ou pas, ces médiateurs auraient de toute façon été proposés à Rostand dans le cadre de cette initiative ministérielle. Un progrès ? Non, parce que ces statuts ne correspondent pas aux besoins des établissements, parce qu’ils dévaluent le travail d’encadrement des élèves, et parce qu’ils participent aux effets d’illusionnisme de nos autorités pour réduire sans en avoir l’air les moyens humains éducatifs.

Un statut ultra-précaire

Le statut de CAE, utilisé en substitution de moyens plus stables d’encadrement, est terriblement précaire : embauchés pour des périodes de 6 mois renouvelables jusqu’à deux ans maximum, ils travaillent 20h par semaine pour un demi-SMIC. Comment vivre aujourd’hui avec un demi-SMIC ? Et en plus, des proviseurs leur demandent de rattraper les heures non faites pendant les vacances : ils doivent donc alors travailler quasiment un temps complet, toujours pour 600€ par mois ! Sans parler des promesses de formation plus qu’aléatoires...

Une copine, mère de famille nombreuse, a été forcée d’accepter un poste de CAE sous peine de radiation de l’ANPE, bien qu’elle y perde de l’argent. Elle s’est endettée sur 18 mois à cause de la faiblesse de la rémunération et des frais liés à la garde des enfants pendant qu’elle travaillait. Elle a pu profiter du départ d’un assistant d’éducation pour prendre son poste - mais pourquoi n’a-t-elle pas été directement recrutée sous ce statut, qui correspondait à des besoins réels ?

Les établissements scolaires ont besoin de personnels d’encadrement stables, qui connaissent bien les élèves, qui ne sont pas tous les 6 mois sur un siège éjectable et qui ne sont pas fragilisés dans leur vie et dans leur travail par un statut ultra-précaire.

Le tour de passe-passe des moyens de surveillance

Un lycée comme Rostand comptait l’année précédente 6 CAE de vie scolaire, embauchés à la rentrée 2007. Malgré une ferme opposition au statut, le Conseil d’Administration n’avait eu ensuite comme choix que d’entériner leur recrutement, ou de provoquer leur licenciement, ce qui était difficilement concevable. Le lycée avait bien-sûr perdu des moyens en assistants d’éducations, dont 1/2 poste accordé lors d’une précédente agression quelques mois plus tôt (le lycée n’avait pourtant pas rétréci).

En mars 2008, au bout de 6 mois d’exercice, aucun des CAE n’était renouvelé par l’IA, faute de financements. Une grève avait permis d’en sauver la moitié, mais finalement, à la rentrée 2008, il ne restait plus que 2 CAE. Donc 4 CAE avaient été supprimés.

Quand notre collègue a été agressée (avec intrusion de l’extérieur de l’établissement), l’IA a présenté l’attribution de 5 « médiateurs » dans le cadre de la politique de la ville comme une dotation pour répondre aux besoins demandés. Sauf qu’il s’agissait là de rendre des moyens retirés plus tôt ! Et comble de cynisme : le renouvellement de 2 CAE déjà présents dans l’établissement était présenté comme une dotation de 2 personnes en plus des 5 médiateurs annoncés - soit « 7 personnes », selon l’IA... Avec cette logique, à la rentrée, au lieu d’annoncer que 7 postes de profs ont été supprimés, ils pourront fièrement clamer que 140 postes ont été attribués au lycée (car non supprimés) !

Les objectifs chiffrés bidons

Par ailleurs, les « médiateurs » ont une mission précise : « réduire, pour les établissements bénéficiant de ces dotations, à l’issue de trois années de mise en œuvre, les taux d’absentéisme de 50% » et dans 102 EPLE « une réduction de 30% des taux d’absentéisme dès la fin de la prochaine année scolaire ». On se demande par quelle magie ces personnels au statut très précaire, et qui n’ont pas les prérogatives de CPE ou d’assistantes sociales, pourraient bien réaliser de tels miracles.

Le chiffre fantaisiste est surtout un bon prétexte posé d’avance pour pouvoir justifier dès l’année prochaine un éventuel non-renouvellement. En effet, les CAE sont renouvelables ou non tous les 6 mois, sur maximum 2 ans. Pour les « médiateurs », il a été précisé que leur contrat était valable pour un an, renouvelable une fois. Cela implique que dans un an, en plein milieu d’année, selon des considérations purement politiques ou économiques, les heures couvertes par ces postes seront remises en cause.

Jeu de bonneteau

Par un jeu permanent de bonneteau avec les postes et les statuts, nos autorités masquent la réduction de moyens stables de surveillance et d’encadrement des élèves. Ils donnent en fonction des aléas médiatiques et politiques des moyens précaires et provisoires, et les font disparaître quand la tension est retombée jusqu’à la prochaine montée d’adrénaline.

Rostand a finalement obtenu au bout de plusieurs jours 1 poste et demi d’assistant d’éducation, qui permettront d’assurer pour les élèves des services aussi basiques que l’ouverture en permanence d’une petite salle de travail et du foyer des élèves. Mais il reste de grands espaces quasiment pas surveillés, et de gros besoins en encadrement, en présence humaine, en animation de l’établissement...

Et pourtant, par rapport à la moyenne des autres établissements, Rostand (avec statut ZEP) est plutôt mieux doté : il n’y a qu’à voir la faiblesse des moyens en surveillance du lycée voisin, Saint-Exupéry, non ZEP, qui a aussi son lot de problèmes directement liés à un encadrement insuffisant.

Des surveillants pour surveiller

On ne peut pas laisser nos autorités réduire et précariser en permanence les missions éducatives. Il est invraisemblable qu’il faille supplier nos autorités, dans un contexte social difficile où l’échange humain est plus que jamais un besoin urgent, d’embaucher des surveillants sous le statut « d’assistants d’éducation » - déjà moins favorable que l’ancien statut.

IL EST DU DEVOIR DE TOUS LES PERSONNELS DE NE PAS LAISSER NOTRE ADMINISTRATION BANALISER LE STATUT DE C.A.E. COMME MOYEN DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS ; FERMER LES YEUX SUR LA GRANDE PRÉCARITÉ QUI NOUS CÔTOIE, C’EST CAUTIONNER A TERME LA DESTRUCTION DE NOTRE PROPRE STATUT.


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