MÉDIAS : AUTORITARISME, ORDRE ET EXTRÊME DROITE
UNE NÉCESSAIRE DÉCONSTRUCTION.

jeudi 8 septembre 2022
par  SUD Education 92

Pour SUD Éducation 92, il est fondamental d’agir en faveur du pluralisme de la presse et de la liberté d’expression. Mais pour cela, il importe de comprendre les processus à l’œuvre dans les médias dominants, et de mettre en œuvre une éducation aux médias en direction des élèves.

 Quels médias pour quelle démocratie ?

Le pluralisme des médias est garant de la contribution à une opinion éclairée ; leur indépendance est garante de leur rôle de contre-pouvoir. Le rôle des médias dans notre société est donc primordial. Mais, pour beaucoup de médias, dont les propriétaires sont pour près de 90% d’entre eux un richissime homme d’affaires, ce rôle n’est qu’imparfaitement rempli.

Au contraire, nombre de médias participent désormais à la légitimation des thèmes de l’extrême-droite dans la société : racisme et xénophobie, autoritarisme, participation à la reproduction d’une société de l’ordre, insistance sur une prétendue décadence de la société, anti-intellectualisme, misogynie, homophobie, virilisme, positions réactionnaires... On assiste à l’anesthésie du pluralisme au profit d’une pensée qui est répétée ad nauseam jusqu’à structurer les débats autour des thèmes de l’extrême-droite qui s’imposent alors dans l’espace politique et public.
Certains médias, en ne respectant pas l’éthique journalistique (notamment de la charte de Munich* , contribuent au vol de débat public en imposant des manières de les traiter qui ne permettent pas un réel et nécessaire débat démocratique.
Cela contribue à la décrédibilisation et à la délégitimation des médias et des journalistes aux yeux d’une frange importante de l’opinion publique, donc aussi de nos élèves.

Évidemment, les médias ont le droit d’avoir la ligne éditoriale qu’ils souhaitent, c’est justement ce qui fait le pluralisme mais cela ne doit pas empêcher de respecter l’éthique journalistique. Ces médias se targuent d’une neutralité et prétendent ne pas être engagés alors qu’ils passent leur journée à diffuser la doxa libérale économique ainsi que des idées réactionnaires. Des journalistes dits de gauche se retrouvent stigmatisé.es et discrédité.es car ils et elles sont qualifié.es de “journalistes militant.es* [1]”. La neutralité et l’objectivité, notamment en matière de journalisme, n’existent pas : traiter certains sujets et pas d’autres est déjà en soi un choix qui n’est pas neutre.

Pour SUD Éducation 92, il est fondamental d’agir en faveur du pluralisme de la presse et de la liberté d’expression. Mais pour cela, il importe de comprendre les processus à l’œuvre dans les médias dominants, et de mettre en œuvre une éducation aux médias en direction des élèves. C’est pourquoi :

  • SUD Éducation 92 agit en faveur d’une éducation émancipatrice, par la construction d’un réel esprit critique autonome.
  • SUD Éducation 92 croit donc à la vertu et à la nécessité de la déconstruction des processus du système médiatique qui conduisent à des pratiques qui participent à un rejet en bloc des médias, en même temps qu’elles participent à imposer des idées d’extrême droite, autoritaristes et réactionnaires.
  • SUD Éducation 92 appelle à se saisir de ces thèmes auprès de nos élèves notamment dans le cadre de l’éducation aux médias pour développer l’esprit critique des élèves.
  • C’est à notre sens une mission de service public à laquelle l’Éducation Nationale doit contribuer.





 Fait-diversion* des médias en continu

A de nombreuses reprises, Médiacritiques (revue de l’association ACRIMED)
 [2], Arrêt sur images [3] dénoncent les obsessions à propos des faits-divers. Des obsessions qui entraînent des biais inquiétants, à tel point que même le Monde [4] s’en fait l’écho.

 [5]

Les chaînes d’info en continu tout particulièrement versent dans la logorrhée non contradictoire à propos d’un fait-divers qu’elles tournent en boucle à longueur de journée lors d’émissions spéciales parfois.

Pour occuper ces plateaux pendant de longs directs, les chaînes d’information en continu font appel à des « expert·es » maison [6], des toutologues* spécialistes de tout et de n’importe quel sujet qui répètent la même lecture des événements.

Ces plateaux regroupent alors des personnes qui s’allient dans cette approche complaisante, biaisée, sans mise en perspective de sociologues ou de spécialistes universitaires de la question.

On y retrouve le journalisme de préfecture* qui consiste à relayer sans aucun recul les éléments de communication des autorités, le journalisme de comptoir* ou de commentaire* qui consiste à donner son avis sur le sujet, à commenter au doigt mouillé [7] les commentaires de son voisin ou de sa voisine et les éditocrates* qui donnent leur avis sur n’importe quel sujet d’actualité.

Pourquoi alors mettre en avant ces faits-divers, tragiques le plus souvent et qui sont présentés comme édifiants ?

Car c’est tragique, c’est vendeur, en faisant appel à l’affect, au pathos, cela assure une certaine audience : c’est un choix éditorial de faire valoir un contenu alléchant fondé sur les instincts (choquant, sensationnaliste, sexuel, etc.) pour pousser à cliquer sur l’article, la vidéo, et engranger des revenus publicitaires. Le/la spectateur·rice, le/la lecteur·rice, n’est plus considéré·e que comme un·e consommateur·trice face à un produit.

Le ressenti est mis en avant au détriment de faits objectifs contextualisés. Ces chaînes cherchent le clash ou les images polémiques pour fournir des séquences adaptées à la diffusion immédiate sur les réseaux sociaux.

Mais les thèmes abordés ne sont pas neutres. Ils font la part belle aux crimes, aux oppositions entre victimes et agresseurs, à la sécurité donc, mais aussi à l’immigration présentée alors comme systématiquement négative. Cela contribue à la construction de la xénophobie, du racisme dans l’opinion publique [8].

La fait-diversion* écarte des sujets, des informations pertinentes et relaient l’analyse au second plan. C’est ce que dénonçait Pierre Bourdieu (Sur la télévision (Liber Editions, 1996), le fait divers fait que, « avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques ».
La fait-diversion impose donc des thèmes sécuritaires, sur l’autorité, l’immigration, ce qui profite in fine aux forces réactionnaires, qui n’ont même plus à se focaliser sur ces thèmes pour en tirer parti.



 Le cas d’école du profbashing

le traitement médiatique des mobilisations de l’Education nationale

En général les mobilisations sociales subissent un traitement médiatique négatif : « prise d’otages », « grogne ». Quand il s’agit de grèves de profs, ce n’est pas bien mieux. Au contraire même : aux critiques habituelles s’ajoute le prof bashing. Les profs seraient tout le temps en grève (et on se demande pourquoi – sans le demander vraiment), les résultats PISA des élèves baisseraient (et c’est rarement la faute à des conditions de travail délétères). La pratique du journalisme de commentaire* y est pour beaucoup : le principe est de commenter, de relayer des poncifs sans les interroger ni les étayer de données sourcées. La présentation participe à relayer au second plan celles et ceux qui construisent les mouvements sociaux, à relayer à la marge leurs revendications tout en axant le propos sur les désagréments que rencontre la population.

Ainsi, le 13 janvier 2022, jour de grève massive et historiquement suivie, le JT du 13 heures de France 2, chaîne du service public, ouvre sur un premier sujet de deux minutes : “Grève des enseignants : la difficile organisation des parents”. Le deuxième sujet, de 1 minute 45 secondes, explique comment, “à Poitiers, la mairie s’organise pour garder les enfants”. Seulement au 3ème sujet, lequel dure également 1 minute 45 secondes, la parole est donnée à des grévistes. Le seul syndicaliste en tant que tel est un personnel de direction. En plateau, il n’y a pas d’approfondissement, de mise en perspective, ni de gréviste ou syndicaliste interrogé.

Bilan de la séquence pour qui s’informe par ce JT sur le service public : ce qui est mis en avant c’est que la grève est pénible pour ceux qui en subissent les effets, effets qui sont heureusement atténués par le service minimum mis en place par les mairies. Seulement après viennent - rapidement - quelques explications sur le pourquoi de la grève.

Le prof-bashing permet d’agrémenter ce premier biais.
Chiffres faux sur les salaires [9], sur le temps de travail puisque, les jours où ils ne sont pas en grève, les profs sont en vacances ou sont décrocheurs [10], ou sur l’absentéisme [11] : nombreux sont les serpents de mer sur les profs dans les médias : des sujets qui reviennent régulièrement comme autant de poncifs non étayés.

BFMTV qui est assez coutumier du « prof bashing » interroge ainsi : « Les profs ont-ils raison de se plaindre tout le temps ? » [12], dont le titre donne déjà la réponse.

Autre marotte : le “pédagogisme”.

Celui-ci est parfois qualifié de post-soixante-huitard voire de “pédagauchiste” et est accusé d’être à l’origine de ce qui est vu comme une déliquescence actuelle de la société.
BFM TV en offre un raccourci saisissant quand il pose la question « Black blocks, un mouvement de fils de profs ? » le 6 décembre 2020. A ce “pédagogisme” qui déstructure la société, les tenants de l’ordre, de l’autoritarisme opposent les fameux “fondamentaux” qui doivent selon eux permettre de structurer la jeunesse.

Le “pédagogisme” est présenté comme une idéologie de manière à discréditer ce qui en relèverait. Les “fondamentaux” sont présentés comme quelque chose de naturel, qui aurait historiquement fait ses preuves, qui relèverait du simple bon sens.
Mais jamais cette construction ni même cette opposition ne sont interrogées ni ne font l’objet d’un réel travail journalistique.

Il en est ainsi du traitement médiatique dominant : les fonctionnaires de l’Éducation Nationale subissent le traitement réservé aux mouvements sociaux. Auquel s’ajoute le fonctionnaire bashing. Auquel s’ajoute plus spécifiquement le bashing des profs.





 Sondages

Qui va arriver en tête ? Le meilleur moyen de ne pas parler du fond.

2022, année électorale, voit beaucoup de médias surjouer la personnalisation. Au nom d’un pic d’audience, beaucoup de médias entretiennent une multiplication des sondages [13] pour savoir qui va arriver en premier, en deuxième, quel·le candidat·e passe devant l’autre. Les changements dans l’ordre d’arrivée des candidat·es deviennent alors un sujet de discussion en soi, pour les chaînes d’information en continu, pour une partie importante des journalistes. Il ne s’agit pas alors de parler du fond, d’analyser les programmes mais de décrypter quelle petite phrase, quels éléments de communication politique, quelle publication Twitter permet d’expliquer la tendance à la baisse, à la hausse, selon le dernier sondage. Un sondage chassant l’autre, une bonne partie de la campagne se résume à cela, sans que les éléments précis des programmes des candidat·es aient été interrogés, en lien avec les questions sociétales, ce qui a pour effet de dépolitiser les enjeux.

Ainsi, depuis des mois, le cœur de l’histoire construite journalistiquement ou storytelling* est l’opposition Macron vs Le Pen au 2ème tour, reprenant ainsi directement les éléments de langage de l’Élysée, jusqu’à ce que la bulle médiatique change de marotte pour mettre en avant Zemmour, avant même qu’il soit candidat.
Or, la commission des sondages, qui veille à garantir aux citoyen·nes l’objectivité des sondages d’opinion publiés, indiquait, dans un rapport de 2008 que les sondages électoraux de 2nd tour qui sont publiés sans tenir compte du 1er tour et de son offre politique contribuent à la manipulation de l’opinion publique et « à la fabrication artificielle de l’offre politique et à la constitution de rapports de force électoraux qui seraient déconnectés de la réalité politique. » [14]

Par ailleurs, les sondages qui abordent des thèmes sociétaux les imposent par les questions qui sont posées, forçant les répondant.e.s à se projeter par rapport à un.e candidat.e. Cela se perçoit nettement par la part importante des questions qui portent sur l’immigration alors même que cela est loin d’être la préoccupation première des personnes interrogées quand on leur demande librement de prioriser les sujets qu’elles souhaitent voir aborder.

Les sondages ne prennent alors pas en compte les attentes d’une partie importante de la population qui ne se reconnaît pas ou plus dans le jeu médiatique ou politique actuel.

Depuis, le journal Ouest-France, par exemple, a décidé de ne plus participer à cette surenchère des sondages à propos de ces élections [15].

S’interroger en permanence sur qui arrive en tête dans une élection, sur l’ordre d’arrivée des candidat·es, qui parmi eux ou elles reculent, qui double qui, qui ne passe pas l’obstacle de la dernière polémique, ou qui, au contraire, surmonte le dernier clash sur Twitter, c’est cela le journalisme hippique*.
C’est un journalisme qui commente les changements dans l’ordre des candidat·es comme si c’était une course de petits chevaux.

C’est un journalisme qui, en s’intéressant au doublé gagnant, à l’ordre d’arrivée, ne s’intéresse ni aux programmes, ni aux enjeux réels d’une élection.

Au contraire, c’est un journalisme qui préfère s’intéresser à la personnalisation des candidat·es et à la communication politique plutôt qu’au fond : aux programmes et aux enjeux sociétaux qui intéressent les électeurs et électrices.

Ce journalisme hippique, en donnant comme allant de soi l’extrême droite au second tour, participe ainsi à sa légitimation : elle est affichée comme présente naturellement dans l’ordre politique médiatique sans que ses idées soient interrogées journalistiquement.



 « Le cas Zemmour »

Le polémiste d’extrême-droite est au centre des réseaux d’influence médiatiques. Evincé de sa chronique régulière sur RTL et Canal + en 2014 et en 2019 pour des propos xénophobes et islamophobes, ce sont ses liens d’amitié avec Vincent Bolloré qui le réinstallent sur les chaînes d’information. Propriétaire du groupe Vivendi, qui détient une dizaine de médias, Vincent Bolloré promeut Eric Zemmour dans l’émission de grande antenne « Face à l’info » de CNews [16].

Mais ce partenariat va plus loin. Il se prolonge jusque dans les maisons d’éditions lorsque, en octobre 2021, la maison d’édition Plon (appartenant à Bolloré) refuse de publier une biographie (critique) du polémiste fasciste [17].

Jusqu’à présent, Zemmour a été condamné trois fois : “provocation à la discrimination raciale” pour des propos tenus en 2010 sur Canal + jugeant licites la discrimination à l’embauche ; “incitation à la haine et à la violence et injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur origine” concernant des propos sur les mineur·e·s isolé·e·s étranger·e·s qu’il avait traités, le 29 novembre 2020, sur la chaîne CNews de « voleurs », « violeurs » et « assassins » ; “provocation à la haine religieuse” pour des propos sur les musulman·e·s en 2016 sur France 5.

D’autres procès sont encore en cours.





 Pistes pédagogiques…

 Au lycée :

Talk-show de chaîne d’information en continu et pluralisme :

  1. Montrer un plateau avec des éditorialistes, des invités, mettre une courte bio de chacun.
  2. Donner la définition du pluralisme.
  3. Questionner le pluralisme des plateaux de télévision.
  4. Que faudrait-il pour qu’il le soit ?

Analyse des choix éditoriaux

  1. Distribuer un extrait d’un article comme celui-ci :https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2021/12/03/cnews-mise-en-demeure-par-le-csa-pour-avoir-relegue-aux-horaires-de-nuit-la-parole-du-gouvernement-et-de-la-france-insoumise_6104653_3236.html
  2. Interroger les élèves sur les raisons de la mise en demeure.
  3. Demander pourquoi ces pratiques journalistiques peuvent poser problème.

Montrer le « Qui possède quoi ? »
Et aider les élèves à comprendre les mécanismes de production de l’info liés aux intérêts des groupes qui détiennent ces médias. Mettre en exergue par exemple le numéro du Figaro le jour où leur patron Dassault a été condamné par la justice et demander aux élèves pourquoi le Figaro est le seul à ne pas en parler (idem avec les journaux de JM Baylet (La Dépêche & co).

Des ressources sont à retrouver ici : https://www.acrimed.org/IMG/pdf/education_critique_medias_4p.pdf.



 Au collège

  • Sur le traitement d’un même événement dans les journaux télévisés, faire faire aux élèves un tableau de comparaison simple qui compare les acteurs et raisons évoquées : qui ? Quoi ? Pourquoi ?
  • Sur les réseaux sociaux : adopter la même démarche comparative en observant deux pages instagram avec des abonnements très différents, introduire et expliquer la notion de profil médiatique/sociologique.

 1er degré

  • La pratique du journal de classe : afin de valoriser les productions des élèves, cela peut aussi être un moyen de faire pratiquer le journalisme à travers divers savoir-faire écriture d’articles, reportage audio / vidéo, pratique de l’interview, etc.....
  • Revue de presse : pour exercer au tri des infos, au sourçage, etc.



 Glossaire

Bollorisation des médias  : concentration des médias dans les mains du milliardaire Bolloré pour créer un Empire de médias d’extrême droite à visée politique sur le modèle de Fox News aux Etats-Unis (Cnews, Europe 1,….)
Du nom du richissime homme d’affaires et nouveau magnat de la presse, Vincent Bolloré, qui vient de mettre la main, après le groupe Canal +, sur la radio Europe 1 qu’il est en train de transformer en « CNews radio » grâce à sa prise d’actions dans le groupe Lagardère (voir la série d’articles « L’empire » du site d’informations Les jours (https://lesjours.fr/personnages/vincent-bollore/). Il s’agit de la tendance pour un millionnaire/milliardaire à s’accaparer des médias, souvent déficitaire, pour en faire soit une tribune pour ses affaires soit pour se permettre à peu de frais, sans avoir à l’imposer, de bénéficier de l’autocensure que la plupart des rédactions s’impose au sujet de leur propriétaire (en mettant notamment aux postes clés des proches de confiance). La bollorisation évoque cette tendance poussée à l’extrême, il est qu’à voir toutes les personnes que Bolloré a soit licenciées soit poussées au départ à Itélé (devenue CNews en 2016 suite à un plan social jamais vu auapravant), à Canal +, à Europe 1...

La Charte de Munich (1971) cadre les droits et devoirs des journalistes, donne pourtant comme premier devoir des journalistes : 1) « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître ». 9) ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs. »

Editocrate  : professionnel·le du commentaire de l’actualité, quel que soit le sujet (voir « toutologue »). Se nourrit du fond de l’air qu’il ou elle brasse. Avec parfois une écharpe rouge pour se prémunir de ses propres courants d’air. Passant de plateau en plateau, de micro en micro, d’édito en édito, ils ou elles forment une caste qui détermine ce à quoi il faut penser.

Fait-diversion : lorsque le fait divers fait appel au seul affect, au pathos mais reste déconnecté des statistiques et des tendances générales. Il nourrit les peurs de la population notamment sur l’immigration, la sécurité, l’ordre, l’autorité… thèmes qui forment le fonds de commerce de la droite plus ou moins extrême.

Journalisme hippique : journalisme qui apparaît lors des élections. Il commente les changements dans l’ordre d’arrivée des candidat.e.s à l’élection en fonction des sondages comme si c’était une course de petits chevaux : qui double qui ? Qui perd une place ? Qui passe l’obstacle de la dernière polémique ou qui chute ? C’est un journalisme qui, en s’intéressant à l’ordre d’arrivée des candidat.e.s, surjoue leur personnification, l’importance de la communication politique mais ne s’intéresse pas ni à leur programme, ni aux enjeux réels de l’élection.

Journalisme de comptoir / de commentaire : caractéristique des émissions de talk-show, notamment des chaînes d’info en continu qui commente l’ « actualité » au doigt mouillé, qui idéologise des ressentis, politise la peur, et joue sur l’affect, sans chercher à expliquer les logiques à l’œuvre.

Journalisme de préfecture : journalisme qui reprend sans regard critique les informations communiquées par le « discours officiel » des autorités du maintien de l’ordre. Cela participe à la co-construction avec ces autorités d’un discours univoque sur le « maintien de l’ordre » aux dépens des explications des causes des différents mouvements sociaux.

Journalisme militant  : utilisé par la plupart des éditorialistes et politicien-ne-.s conservateur-rice-s pour dénigrer et discréditer le travail journalistique qui vise à documenter les violences policières, le traitement médiatique des manifestations ou tout autre sujet classé « de gauche ». Exemples : le site d’infos Là-bas si j’y suis et notamment le journaliste Taha Bouhafs, régulièrement matraqué par la police en manif, Rémi Buisine, Gaspard Glanz, tous deux journalistes indépendants, ACRIMED et bien d’autres...
Il ne faut pas perdre de vue que tout journalisme est « militant » en quelque sorte car l’objectivité journalistique absolue est illusoire. En effet, F.O. Giesbert, qui compare la CGT à Daech car « ils ont un point commun, c’est l’intimidation » (édito du Point du 1er juin 2016) ou le rédacteur en chef du Parisien qui a suscité une fronde de ses salarié-e-s suite à un de ses éditos se lamentant de la condamnation de Sarkozy, selon lui injuste et manipulée par des magistrat-e-s politiques...
L’enjeu est davantage selon nous de faire la part des choses et de mener une investigation journalistique sourcée, documentée.

Post-Vérité : terme forgé par Steve Tesich en 1992 qui renvoie au fait que « les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion ou aux opinions personnelles ». Mot de l’année 2016 décerné par le (pourtant) très sérieux dictionnaire britannique Oxford. Dans son discours le terme de « post-vérité » a remercié Trump, élu cette année-là à la présidence des États-Unis, qui a beaucoup fait pour le populariser.

Réinformation  : vocable utilisé par l’extrême droite et et les conspirationnistes pour informer réellement avec la vérité vraie que les médias et les journalistes (qui sont tou·te·s pourri·e·s #ironie) nous cachent.

Storytelling  : tendance à « fabriquer l’information » des rédactions, à raconter une histoire, éloignée de la réalité, ou à tout mettre en œuvre pour que la réalité corresponde à l’histoire racontée afin de coller à la ligne éditoriale de leur employeur. Par exemple, la tendance au micro-trottoir (degré zéro du journalisme) ou pire avec cet exemple lors du traitement médiatique de la mobilisation contre la retraite par points de l’hiver 2020 (voir ACRIMED, 28 janvier 2020,https://www.acrimed.org/Bonjour-je-suis-journaliste-et-je-cherche-des?recherche=storytelling, « Bonjour je suis journaliste et je cherche des témoignages contre la grève ».

Toutologue  : se dit d’un-e éditorialiste ou (auto-)proclamé-e expert-e qui a son rond de serviette dans la plupart des médias dominants (télé, radio, presse écrite) car, bon-ne client-e, il ou elle (la plupart du temps il) est capable de donner son avis sur tous les sujets d’actualité possibles et imaginables, sans n’avoir aucune compétence particulière en la matière si ce n’est celle d’apparaître dans les médias depuis des décennies.
Il pratique donc l’ultracrépidarianisme qui consiste à donner son avis sur des sujets qu’on ne maîtrise pas.
Exemple avec Jacques Attali qu’ACRIMED décrit ainsi dans son article publié le 11 mai 2021 sur son site « Une brève histoire de Jacques Attali » (https://www.acrimed.org/Une-breve-histoire-de-Jacques-Attali)



 Ressources

 Livres

L’opinion, ça se travaille, sous-titré Les médias et les « guerres justes » de Serge Halimi, Dominique Vidal, Henri Maler, Matthias Reymond, Editions Agone : sur le traitement médiatique des guerres et les conflits d’intérêt des éditocrates « va-t-en-guerre ».

Au nom de la démocratie, votez bien, de Matthias Reymond : retour sur le traitement médiatique des élections de 2002 et 2017.

Les éditocrates 1 ou comment parler de (presque) tout en racontant (vraiment) n’importe quoi, de S. Fontenelle, M. Chollet, O. Cyran, M. Reymond.

Les éditocrates Tome 2 - Le cauchemar continue de S. Fontenelle, M. Chollet, O. Cyran, L. De Cock.

Pour une vision plus large du storytelling (voir le « Glossaire »), voir l’ouvrage de Christian Salmon, Storytelling, La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte, 2008.

Le collectif La Friche et EDU média ont publié aux éditions du Commun en 2021 : Petit manuel critique d’éducation aux médias », sous-titré Pour une déconstruction des représentations médiatiques


 DVD

Les Nouveaux chiens de garde, Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, 2012, en référence au livre de Serge Halimi Les Nouveaux Chiens de garde, Serge Halimi, Paris : Raisons d’agir éd. , impr. 2005)

Les films de Pierre Carles sur les médias
Juppé, forcément (1995), sur le traitement médiatique favorable à Juppé pour les présidentielles de 1995.

Pas vu, pas pris (1998) suivi du film Enfin pris ?, la suite, en 2002. : ou comment faire passer la critique des médias sur une grande chaîne.

Hollande, DSK, etc (2012) : version 2012 du film Juppé, forcément,

Fin de concession : sur la privatisation de TF1




Une partie de nos recherches provient du site ACRIMED, association qui fait autorité, avec d’autres, dans la critique de gauche des médias-.

ACRIMED, comme tous les médias indépendants de gauche ont besoin de soutien.
Comment adhérer à Acrimed : https://boutique.acrimed.org/don
S’abonner à la revue Médiacritiques : https://www.acrimed.org/-Mediacritiques-

Une initiative, parmi d’autres, pour renforcer la presse indépendante :
Fonds pour une presse libre, à l’initiative de Mediapart : https://fondspresselibre.org/

La carte des médias indépendants faite par le site indépendant Reporterre : (image carte médias libres) https://reporterre.net/Les-medias-libres-existent-voici-leur-carte


[1Les termes suivis d’un * renvoient au glossaire

[2Par exemple : « Surenchère sécuritaire et pluralisme en berne dans les grands médias », Médiacritiques, n° 31, avr.-juin 2019.

[5Graphique issu de https://www.acrimed.org/Acte-XVIII-Surenchere-securitaire-et-pluralisme, consulté le 21 avril 2022.

[6Relevé par Médiacritiques (https://www.acrimed.org/Gilets-jaunes-une-journee-de-matraquage, consulté le 7 août 2021), voici la présentation de la manifestation des gilets jaunes du 8 décembre 2019 par BFM TV : « Dominique Rizet, consultant police-justice de BFM-TV, s’extasie devant les blindés de la gendarmerie qui entrent en action, puis devant une charge de policier à cheval (« Regardez, une charge à cheval ! Regardez ! »). […] « on trouvera de la place pour mettre les fauteurs de trouble ». Face à un avocat dénonçant le caractère illégal des interpellations préventives, le « spécialiste » lui rétorque que son discours « n’est pas entendable maintenant, pas en ce moment, avec les manifs dans Paris ». ».

[7Le 27 août 2020, Julien Pasquet, journaliste CNews, répond au député LFI David Guiraud qui remet en cause par des chiffres précis la hausse des violences martelée par tous les médias dominants tout au long de l’été : « on s’en fiche des chiffres ! ».

[8Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France, paru en septembre 2018, chapitre sur la Fait-diversion, pp. 382-390 : « La presse de masse contribua ainsi de manière décisive à la production des stéréotypes nationaux. (…) Dans le même temps, la matrice du récit criminel opposant constamment des victimes et des agresseurs eut pour effet d’alimenter ces phénomènes qu’on appela plus tard la « xénophobie » ou le « racisme ». ».

[9LCI qui annonce qu’un· professeur·e de lycée gagne en moyenne 3 850 € par mois (https://www.liberation.fr/checknews/2019/09/12/un-prof-de-lycee-en-france-gagne-t-il-en-moyenne-3-850-euros-par-mois-comme-le-dit-lci_1750676/). Ou encore voir sur le site d’ACRIMED « Salaires des profs : le grand n’importe quoi » : https://www.acrimed.org/Salaires-des-profs-le-grand-n-importe-quoi

[11Alors que selon la cour des comptes, “« la proportion d’enseignant·es absent·es pour cause de maladie ordinaire sur une journée donnée est inférieure à celle des salariés du privé et des autres ministères » : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/57964.

[12Emission du 30 août 2019.

[13Alors qu’ils présentent leurs démarches comme scientifiques, ce n’est absolument pas le cas. Ces « instituts de sondage, qui n’ont d’instituts que le nom et sont des sociétés d’études marketing. ». Citation tirée de https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/04/dans-la-fabrique-opaque-des-sondages_6100879_823448.html, consulté le 5/11/2021.


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