Contre la casse des statuts et la dégradation des conditions de vie, des revendications unifiantes

lundi 24 juin 2013
par  SUD Education 92

De toutes parts la casse des statuts des enseignant-e-s du 1er et du 2nd degrés est programmée. Cela au nom de constats qui peuvent êtres vrais (prise en compte de nouvelles dimension du métier, charge de travail accrue, etc.) mais qui sont utilisés frauduleusement pour légitimer une destruction des garanties qui existent aujourd’hui. SUD éducation entend mener la bataille pour résister à toutes les régressions et porter des alternatives.

Par exemple, que ce soit dans le cadre du protocole catégoriel 2013 ou dans les recommandations du rapport de la Cour des comptes « Gérer les enseignants autrement », tout converge vers une logique absurde : « compenser » les charges de travail supplémentaires, les « responsabilités » et les contextes d’exercice jugés les plus difficiles par de petites indemnités financières. Pourtant, la charge de travail et la pénibilité devraient se compenser par des réductions de service.

Travailler plus pour gagner plus ?

Ainsi, le rapport de la Cour des comptes, constatant que nombre de missions et de tâches (anciennes ou nouvelles) n’ont jamais été prises en compte dans la définition du temps de travail des enseignant-e-s, propose non pas de réduire leurs obligations hebdomadaires de service mais d’annualiser leur temps de travail, de multiplier les primes variables selon les contextes et le « mérite », et de généraliser les distributions hiérarchiques des services. De même, le protocole catégoriel 2013 entend attribuer aux professeur-e-s des écoles une indemnité sur le modèle de l’ISOE (indemnité de suivi et d’orientation) qui existe pour les enseignant-e-s du secondaire, et qui est elle-même différenciée selon qu’on est professeur-e principal-e ou non. Bien entendu, il n’y a pas de raison que les PE aient un traitement différencié en la matière par rapport aux certifié-e-s et agrégé-e-s, ce que le protocole est loin de supprimer puisque l’indemnité des PE sera très inférieure à l’ISOE.

C’est le principe même de ces réponses indemnitaires qui n’est pas acceptable. Il correspond à une logique d’heures supplémentaires et donc d’augmentation du temps de travail (pour les enseignant-e-s, on rémunère, en plus du traitement, un travail effectué en dehors du face-à-face avec les groupes d’élèves qui jusque-là n’était pas reconnu). Avec un défaut supplémentaire : les indemnités et les primes ne comptent pas dans le calcul des retraites. C’est doublement perdant pour les personnels et pour la société, à l’envers du nécessaire travailler moins pour travailler tou-te-s et vivre mieux.

Contre les heures supplémentaires

Les heures supplémentaires détruisent l’emploi public // Les heures sup’ ne doivent pas être considérées comme anodines et naturellement incluses dans l’emploi du temps : ceux et celles qui sont au chômage attendent d’avoir un poste pour gagner leur vie. C’est pourquoi nous devons agir fermement pour qu’elles soient converties en heures statutaires. Dans de nombreux établissements, du collège à l’Université, le nombre d’heures supplémentaires est tel qu’il dispense l’administration de créer des demi-postes, voire des postes entiers de titulaires. Combattre les heures supplémentaires, c’est opter pour l’augmentation du nombre de postes aux concours et pour la création de postes de titulaires. C’est aussi refuser cette contradiction qui consiste à former de futur-e-s enseignant-e-s qui serons empêché-e-s – une fois qualifié-e-s – de travailler.

Les heures supplémentaires dégradent les conditions de travail et fragilisent les statuts // Les heures supplémentaires sont incompatibles avec la bonne réalisation des missions qui nous sont confiées. Elles contribuent à fragiliser les statuts des tou-te-s : si certaines peuvent assurer des heures supplémentaires sans problème, pourquoi ne pas augmenter les maxima de service, réduire les vacances, etc.

Les heures supplémentaires constituent un renoncement à l’augmentation des salaires // Valider le système des heures supplémentaires et des primes particulières pour s’en sortir face à des salaires insuffisants, c’est accepter la répartition inégalitaire des richesses en cherchant à tirer son épingle du jeu individuellement ou catégoriellement : c’est non seulement égoïste ou corporatiste, c’est à coup sûr inefficace dans la durée. Car les progrès pour les salarié-e-s ne peuvent venir que d’un rapport de force global avec les possédant-e-s.

La pénibilité (r)achetée par des primes ?

Il existe déjà actuellement une multiplicité de primes et d’indemnités liées à des postes jugés plus difficiles ou plus pénibles. Ainsi, les titulaires/remplaçant-e-s touchent une indemnité spécifique pour la sujétion particulière liée à leur conditions de travail et aux distances qu’ils/elles doivent parcourir, des primes sont versées (ou pas…) aux personnels qui exercent dans des établissements ou zone jugées sensibles ou prioritaires, etc. Cette logique semble elle aussi appelée à s’étendre.

Elle est pourtant également absurde : en achetant le consentement des personnels, l’employeur s’exonère des transformations de la société et de l’organisation du travail nécessaires pour réduire la pénibilité et les difficultés de l’exercice des fonctions.

Les « responsabilités » justifient-elles des écarts de rémunération ?

Pour introduire des primes et des indemnités, on invoque aussi une prétendue nécessaire rémunération des responsabilités particulières.

C’est ici le principe hiérarchique qui marche à plein, et qui introduit, sous couvert d’une supposée hiérarchie des fonctions, une hiérarchie des rémunérations. C’est ainsi que les chefs (administratifs ou pédagogiques) ont des revenus supérieurs à leurs subordonné-e-s. Mais c’est aussi ainsi que les directeurs et directrices d’école par exemple touchent une indemnité particulière, comme les Préfets des études dans les collèges ECLAIR, la justification mélangeant les arguments de tâches supplémentaires (logique d’heures sup’) et de responsabilités particulières (logique hiérarchique).

Tout d’abord, la hiérarchisation des responsabilités est elle-même est sujette à questionnement : y a-t-il une plus grande responsabilité dans l’organisation d’animations pédagogiques que dans la prise en charge d’élèves ? Dans l’organisation d’un service que dans le suivi infirmier ou social d’enfants ?

Ensuite, il n’y a pas à (ré)compenser financièrement des responsabilités particulières, qui sont connues des personnels lorsqu’ils s’orientent vers une fonction « à responsabilité », bien souvent parce qu’ils y trouvent d’autres compensations, symboliques ou personnelles. Les contraintes et pénibilités propres à des postes de travail doivent être prises en compte dans l’aménagement des conditions, du temps et des horaires de travail, pas par des sous.

Enfin et surtout, les différentes fonctions ne peuvent en rien justifier des écarts de rémunération. Non seulement « il n’y a pas de sot métier », mais il n’y a pas de hiérarchie des fonctions qui vaille, même s’il y a une diversité de métiers et de fonctions (qui n’ont d’ailleurs pas forcément à être assurées par les mêmes personnes tout le temps). Les métiers se distinguent, mais ne s’échelonnent pas : une personne en vaut une autre, son temps vaut celui d’une autre.

Distinguer la question des augmentations de salaire, lier les combats

L’acceptation de ce système repose d’abord sur l’intégration du principe hiérarchique par toute une partie des personnels, ce principe étant un des fondements de la légitimation de l’organisation inégalitaire de la société. C’est la raison pour laquelle le combat pour l’égalité et contre le principe hiérarchique est un élément fondamental de l’orientation de notre syndicalisme de transformation sociale. Mais les primes sont aussi acceptées parce qu’elles viennent limiter les effets de salaires insuffisants. C’est pourquoi la bataille pour d’autres fondements dans la compensation de la pénibilité doit s’accompagner de la revendication d’une augmentation générale des salaires.

Nos revendications sur les salaires doivent être portées sans gêne, elles sont légitimes : c’est la répartition inégale des richesses qui provoque des salaires insuffisants, c’est aux profits et aux rémunérations des patrons, des actionnaires et des rentier-e-s qu’il faut s’attaquer. De l’argent, il y en a ! Même si les combats doivent être menés conjointement, les revendications sur les modalités de la compensation des tâches supplémentaires et de la pénibilité doivent ainsi être radicalement distinguées des revendications salariales, qui ont leur légitimité propre, mais qui relèvent d’une autre bataille : celle du partage des richesses.

Salaires : des augmentations uniformes

Des revendications qui creusent les écarts // Nous ne partageons pas les conceptions sur les augmentations salariales formulées en pourcentages ou en augmentation du point d’indice. Comment construire l’unité des salarié-e-s quand on revendique 5% d’augmentation pour qui gagne 1000 euros (soit +50 euros) et 5% également pour qui gagne 5000 € (soit +250 euros) ? Ne pas en tenir compte c’est accroitre les écarts de salaires, c’est affaiblir les petits et c’est enrichir les gros.

Une même augmentation pour toutes et tous // La solidarité et l’unité nécessitent de militer à la fois pour la réduction de l’éventail hiérarchique des salaires et contre tous les processus d’individualisation salariale « au mérite ». Une même augmentation pour toutes et tous est une revendication reprise dans de nombreux conflits. Sur les questions de salaires, nous entendons défendre ce principe de solidarité et imposer le débat sur les revendications qui unissent l’ensemble des salarié-e-s.

Compenser pénibilité et tâches supplémentaires par des réductions de service

Si on sort des logiques qui prévalent dans l’idéologie dominante, un certain nombre de réponses s’imposent avec une assez grande évidence :

qu’il s’ajoute par l’attribution de nouvelles tâches ou qu’on reconnaisse enfin des tâches effectuées et jusqu’ici niées, s’il y a du travail supplémentaire, il faut réduire le temps dédié aux autres tâches pour permettre à l’agent de l’assurer ;

S’il y a une pénibilité particulière, il faut modifier l’organisation et les conditions du travail pour l’annuler ou la réduire, et si la pénibilité est irréductible à ces transformations, il faut diminuer le temps de travail pour la compenser.

L’argent ne compense ni la fatigue, ni le stress, ni les maladies liées aux conditions et à la charge du travail. Le burn out existe chez les cadres les mieux rémunéré-e-s. C’est sur le terrain des conditions de travail qu’il faut compenser des problèmes liés aux conditions de travail, et non en le déplaçant sur le terrain des rémunérations.

Une logique alternative à généraliser

Ces mécanismes compensatoires alternatifs existent, ils cohabitent aujourd’hui avec la logique indemnitaire. Ainsi, dans le second degré, les enseignant-e-s qui ont un certain nombre de classes à examen bénéficient d’une diminution d’une heure de leurs obligations de service devant élèves (c’est l’heure dite « de première chaire »). Et celles et ceux qui ont des classes à effectifs très importants peuvent bénéficier aussi d’une réduction du temps de service devant élèves. De même, il y a une prime pour des personnels qui assure leurs fonctions dans l’éducation prioritaire (logique indemnitaire), mais il y a aussi des moyens supplémentaires affectés à ces contextes, et des seuils abaissés pour le nombre d’élèves par classe (compensation par l’aménagement des conditions du travail). Encore, les directrices et directeurs d’école touchent une indemnité de direction (logique indemnitaire) mais ils et elles bénéficient aussi de décharges pour assurer leur fonction de direction (compensation d’une mission particulière par la réduction du temps de travail alloué aux autres tâches), etc.

Il ne s’agit pas de dire que ces dispositions sont satisfaisantes (par exemple, sur la direction des écoles, on peut revendiquer des décharges plus importantes ou même une refonte de cette organisation vers une direction collégiale des écoles avec une décharge partagée, on peut aussi revendiquer la création de postes statutaires d’aide administrative pour les écoles, etc.). Il s’agit simplement d’illustrer qu’une autre logique existe déjà, alternative à celle qui passe par des primes. C’est cette logique alternative que nous proposons d’étendre et d’ériger en règle générale.


Des revendications concrètes à définir par les personnels

Bien entendu, il peut y avoir débat sur tel ou tel mode de compensation, sur la pertinence de tel ou tel dispositif, sur les conditions de leur attribution (sur les seuils par exemple). Ainsi, accepter le principe de décharge de service pour effectifs élevés reviendrait à accepter l’existence de classes surchargées, ce qui est plus que discutable. Il n’y aura pas forcément accord immédiat entre les différents personnels sur ce qui doit donner lieu à compensation horaire, et à quelle hauteur. Et il ne s’agit pas pour nous de définir ici a priori l’ensemble des règles compensatoires. Mais défendre ce principe alternatif de compensation pour lancer un vaste débat sur ses applications est la condition pour que les personnels sortent de l’idéologie dominante et définissent leurs revendications à faire aboutir par leurs mobilisations.

Pour illustrer cette perspective, on peut dire par exemple que les contraintes spécifiques liées aux postes de remplaçant-e-s devraient être compensées par une réelle prise en charge des frais de déplacement et par une réduction des services. Les fonctions de professeur-e principal-e devraient donner lieu (plutôt qu’à une ISOE augmentée) à des réductions des heures à effectuer devant les groupes-classes pour dégager du temps pour les tâches spécifiques, mais il faut aussi refuser le transfert en cours des missions des COP sur les enseignant-e-s, exiger le recrutement massif de COP et le renforcement du service public d’orientation dans l’Education nationale. La reconnaissance des différentes missions à assurer par les enseignant-e-s ne doit pas déboucher sur la remise en cause de leurs statuts et de la définition de leurs obligations de service devant les classes par des maxima hebdomadaires, encore moins sur une annualisation de leur temps de travail, mais là-encore sur des réductions de service (plutôt que des indemnités), etc. C’est sur ces principes que la fédération SUD éducation s’opposera aux projets en cours de casse des statuts et portera des exigences de transformations positives.

Réduire le temps de travail pour travailler tou-te-s et vivre mieux

Les lois Aubry sur les 35 heures ont accompagné la réduction du temps légal hebdomadaire de régressions sur les salaires, la flexibilité et l’annualisation. Elles ont ainsi contribué à délégitimer cette revendication. Elle est pourtant impérieuse, et doit s’affirmer sans rien céder sur les rémunérations et la flexibilité.

Pour lutter contre le chômage de masse // Alors qu’il y a plus de 5 millions de chômeurs et de chômeuses, à quoi il faut ajouter les temps partiels imposés et les petits boulots précaires, l’idée de partager le travail pour travailler tou-te-s devrait s’imposer comme un des piliers de la lutte contre le chômage de masse, avec les créations massives d’emplois nécessaires pour satisfaire les besoins sociaux actuellement non comblés (éducation, petite enfance, aide à la personne, …).

Pour favoriser la vie démocratique // La réduction du temps de travail est également une des conditions sociales de la participation des salarié-e-s au débat démocratique, ce qui reste difficilement envisageable de façon continue dans une situation où ils travaillent près de huit heures par jour, sans compter le temps passé dans les transports. Le temps libre devient alors une soupape et un temps consacré à reconstitution… de la force de travail.

Pour vivre mieux // Un temps de travail réduit c’est aussi un travail moins stressant, et donc un mieux-vivre au travail. C’est enfin une condition pour que toutes et tous puissent participer pleinement à une vie associative, créatrice, pour laisser sa place à l’imaginaire, aux rencontres, à la culture et à la fête... Bref, pour vivre autrement !

Pour les enseignant-e-s aussi ! // Leurs obligations de service (c’est-à-dire les heures « présence-élèves »), ont été fixées par décret en 1950 et sont restées inchangées. Elles n’ont été modifiées ni en 1956, ni en 1969 ni en 1982, lors des diverses mesures de révision de la durée légale du travail.

Tout se passe pourtant comme si beaucoup de nos collègues avaient fini par intérioriser une image culpabilisante de « privilégié-e-s » : l’idée même d’avoir à se mobiliser pour obtenir des réductions du temps de travail semble en paralyser beaucoup, comme si c’était une revendication indécente ou « déplacée ».

Pourtant la charge globale de travail des enseignant-e-s n’a cessé d’augmenter et de se diversifier. Désormais, au-delà des tâches de préparation et de gestion des cours, se développe un ensemble de contraintes et d’activités « annexes », aussi incontournables que dévoreuses de temps (conseils, réunions, concertations, orientation, etc. Les enquêtes évaluent la durée moyenne de travail d’un-e enseignant-e aux alentours de 40/42 heures. Encore faut-il tenir compte des sollicitations permanentes auxquelles il faut répondre.

Les projets en cours ne visent en rien à diminuer les obligations de service pour tenir compte de ces conditions. Au contraire, ce qui est programmé, c’est la déréglementation généralisée avec à la clé la suppression des décrets de 1950 sur les maxima de service, l’annualisation et une flexibilité tous azimuts.*

Il est temps pour nous de réagir et de revendiquer une diminution du temps de travail, en refusant toute flexibilisation ou annualisation, et donc en défendant la définition du temps de service par des maxima hebdomadaires de service diminués.


La fédération SUD éducation revendique

Une augmentation uniforme des salaires : + 400 euros pour tous les salaires jusqu’à un plafond de 3000 euros, pour réduire l’éventail des rémunérations, avec un salaire minimum porté immédiatement à 1700 euros et l’indexation des salaires sur l’inflation pour garantir le maintien du niveau de vie des personnels en activité et à la retraite ; nous combattons toute rémunération « au mérite » et toute évolution différenciée des carrières

La réduction du temps de travail avec la semaine de 32 heures sans perte de salaire ni flexibilité, réduction du temps de travail qui doit se décliner effectivement par la diminution des obligations de service pour les catégories qui, comme les enseignant-e-s, n’ont pas bénéficié des lois sur les 39 ou sur les 35 heures ; nous défendons la définition du temps de travail par des maxima hebdomadaires de service sans annualisation

L’amélioration des conditions de travail, en commençant par la réduction du nombre d’élèves par classe et la définition légale de seuils maximums pour les groupes, la prise en compte par l’employeur de la dimension du travail, de la pénibilité, de la souffrance au travail, des risques psycho-sociaux et de la médecine de prévention : voir à ce sujet le site de notre campagne fédérale « Et voilà le travail ! » : www.travail.sudeducation.org

La compensation par des réductions de service des tâches supplémentaires et de la pénibilité liées à certaines fonctions et à certains postes de travail, plutôt que par des indemnités : l’argent ne compense ni la fatigue, ni le stress, ni les maladies liées aux conditions et à la charge de travail

Ces revendications sont à l’antipode des projets du gouvernement. Seules nos mobilisations pourront stopper les régressions annoncées et imposer des alternatives.


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PDF - 105.3 kio

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