École de Peillon, école des patrons !

lundi 21 janvier 2013
par  SUD Education 92

Alors que le nouveau gouvernement nous promettait une réforme en profondeur du système
éducatif français, les débats de l’été et les diverses consultations qui ont suivies n’ont pas caché
longtemps le problème de fond : comment faire accepter à l’ensemble de la communauté
éducative des réformes, dictées par des impératifs bien moins louables que la « refondation » de
l’école ? En effet s’il transforme le système éducatif actuel, le projet de loi n’est en rien une
« refondation » de l’école qui permettrait de réellement faire progresser les élèves et d’améliorer
les conditions de vie de ceux qui y travaillent. Toutes les modifications proposées ne vont
malheureusement que dans un sens : la soumission de l’école aux intérêts du patronat.

Des décrets à tout va

Le projet de loi apporte de nombreuses
modifications au Code de l’éducation et elles sont
loin d’être toutes acceptables mais le
gouvernement ne recule devant rien et, là où il
sent que le débat pourrait être houleux, il choisit
de renvoyer à des décrets d’application, sans
discussion au Parlement ni consultation des
personnels de l’Éducation, plutôt que d’inscrire
dans la loi les propositions qui pourraient faire
débat.

Dès l’article 6 de ce projet (qui en comporte plus
de 40) il est annoncé que « La maîtrise du socle
[commun de connaissances, de compétences et
de culture] est indispensable pour accomplir avec
succès sa scolarité, poursuivre sa formation,
construire son avenir personnel et professionnel et
exercer sa citoyenneté. ». Ainsi donc nous ne
devrions enseigner que ce qui est dans le « socle »
(qui sera lui fixé par décret) car, à l’article 26, on
voit se dessiner une conception de ce que doit
être l’enseignement dans le premier degré, mais
qui concernera aussi, soyons-en sûrs, le 2nd
degré, qui est pour le moins discutable : « Cette
formation assure l’acquisition des instruments
fondamentaux de la connaissance : expression
orale et écrite, lecture, calcul, résolution de
problèmes (pas de géométrie ?) ; elle suscite le
développement de l’intelligence (quelle
intelligence ?), de la sensibilité artistique, des
aptitudes manuelles, physiques et sportives. Elle
dispense les éléments d’une culture scientifique et
technique (pas ceux d’une culture historique et
géographique ?). Elle offre une éducation aux arts
plastiques et musicaux. Elle assure
l’enseignement d’une langue vivante étrangère
(dès le CP, art.27).

Elle contribue également à la compréhension et à
un usage autonome et responsable des médias.
Elle assure conjointement avec la famille
l’éducation morale (de quelle morale parle-t-on ?)
et civique qui comprend obligatoirement, pour
permettre l’exercice de la citoyenneté,
l’apprentissage des valeurs et symboles de la
République, de l’hymne national et de son
histoire. ».

Des décrets il y en aura beaucoup d’autres. Sur la
scolarisation dès 2 ans (art.5), le ministère a des
idées mais comme ça coûte de l’argent il publiera
un décret. Sur les élèves qui sortent du système
scolaire sans diplôme (art.7), Peillon leur donne un
droit à la formation mais ne précise rien sur les
modalités et on insiste sur le fait d’avoir un diplôme
« qualifiant » car pour être employable le plus vite
possible c’est mieux. Il y aura également un décret
sur les conseils d’école, leur composition et leurs
attributions (art.35), comme ça rien n’est précisé
dans la loi car on ne sait jamais ça pourrait faire
réagir les personnels et les parents. Ou encore un
décret sur le Brevet en fin de 3ème (art.32), le
ministère va le modifier mais ne propose rien pour
le moment c’est trop dangereux.

L’école des patrons, la droite en rêvait, le PS la fait !
Peillon entérine toutes les réformes
des gouvernements précédents

Au-delà de toutes ces modifications appelées à
passer par décret, le futur projet de loi comporte
un grand nombre de fausses bonnes idées qui
entérinent pour beaucoup les réformes des
gouvernements précédents.
Ainsi on fixera par décret le nombre et la durée
pour les cycles (art.1 8) car on veut mettre en place
une liaison école-collège (art.36), qui pourra à
terme amener à la création d’un cycle commun
CM2 / 6ème / 5ème, car permettant « que certains
enseignements ou projets pédagogiques soient
communs à des élèves du
collège et des écoles […] sous l’autorité du chef
d’établissement et dans les écoles sous la
responsabilité des directeurs d’école ». Ainsi si les
directeurs n’ont pas encore « l’autorité » d’un chef
d’établissement cette reconnaissance d’une
fonction de mise en œuvre d’un projet
pédagogique est le premier pas vers un statut
spécifique des directeurs.

Il va également être créé un « Conseil national
d’évaluation du système éducatif »(art.1 7) dont le
but sera d’évaluer les résultats des enseignements
scolaires et quel sera son moyen d’action si ce
n’est les évaluations nationales et le remplissage
du Livret Personnel de Compétences dont nous
dénonçons depuis des années les effets néfastes
sur les élèves (stress, bachotage …) et les
enseignants (surcharge de travail, pressions
hiérarchiques). A l’article 21 , le gouvernement
propose d’entériner les Projets Personnalisés de
Réussite Éducative et leur mise en place par les
équipes pédagogiques.

Sur l’informatique encore, beaucoup d’idées
dangereuses (art.1 0). Ce doit être un outil
permettant le soutien scolaire, ce qui justifie la
disparition des moyens humains pour la prise en
charge spécifique de la difficulté scolaire (RASED
mais aussi des SEGPA, CLIS, ULIS … Ce doit
également être un outil permettant la formation
initiale et continue des enseignants : pas besoin
de stages où l’on est déchargé de classe, il faudra
faire sa formation tout seul devant son ordinateur
le week-end ! L’informatique est aussi considéré
comme l’outil privilégié de la communication avec
les familles et du suivi des élèves : on entérine
ainsi le principe des cahiers de texte numériques
au collège et au lycée qui ont pour conséquence
de faire disparaître toute notion de temps de
travail des enseignants, on doit être disponible
pour répondre aux courriels des parents, de la
direction…

Une vision moralisatrice et libérale

Toutes ces modifications du Code de l’Éducation
ne sont finalement qu’une mise en application
d’une vision moraliste et libérale de l’éducation.

Moraliste d’abord car dès l’article 8, on nous
apprend que « Le droit de l’enfant à l’instruction a
pour objet de lui garantir […] l’éducation lui
permettant de développer sa personnalité, son
sens moral et son esprit critique ... ». Là encore de
quoi parle-t-on, quel est ce « sens moral » que l’on
doit faire acquérir aux élèves ? Celui de la morale
de « l’école républicaine », reproductrice des
inégalités sociales et grande défenderesse de la
sélection au mérite, celui de l’école libérale tout
aussi inégalitaire et ayant pour objectif la
reproduction sociale des élites par l’argent ? Et
l’article 22 de modifier l’instruction civique en « enseignement moral et
civique » : la morale avant tout ! Rien de tout cela
n’est acceptable !

Libérale tout autant car nombreux sont les articles
de loi qui n’ont pour but que d’adapter la loi
française aux règlements européens concernant
l’école. Ainsi à l’article 40 sur la Vie Scolaire, il est
indiqué que « Des activités périscolaires
prolongeant le service public de l’éducation, et en
complémentarité avec lui, peuvent être organisées
dans le cadre d’un projet éducatif territorial [...] ».

Ce qui est une illustration parmi tant d’autres de la
politique européenne de parcellisation des
territoires. Mais c’est l’article 23 qui énonce le plus
clairement cette territorialisation à tout va. Il y est
clairement écrit que l’orientation et la formation
des élèves devra se faire en fonction des « besoins
prévisibles de la société, de l’économie et de
l’aménagement des territoires ».

Rien de plus que la formation de salariés,
d’ouvriers et d’employés prêts à l’emploi qui auront
bien acquis leurs « compétences et méthodes »
pour servir les besoins des patrons et qui se
retrouveront sans possibilité de reconversion le
jour où leur entreprise délocalisera mais qui
devront se former eux-mêmes car « le service
public d’éducation [les aura préparé] à une
formation tout au long de la vie » (art.3).

Face à ces attaques en règle du système éducatif nous nous devons d’être combatifs. Nous
devons refuser ce projet de loi et porter haut et fort notre projet d’une autre école : pour un système éducatif
laïque public d’enseignement avec socialisation sans indemnité ni rachat des écoles
confessionnelles, une école sans évaluation et sans fichage des élèves et des personnels, une
école émancipatrice et affranchie du monde de l’entreprise, de toute pression hiérarchique, et de
cette territorialisation galopante qui nous isolent un peu plus chaque jour.


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