Coup de gueule d’une instit sur les « réformes » et la « refondation »

samedi 19 janvier 2013
par  SUD Education 92

Y ’a des trucs qu’il ne faut pas faire dans la vie, on le sait et pourtant c’est plus fort que nous on le fait quand même. Par exemple, il ne faut jamais lire les commentaires sur les articles des journaux en ligne ; On sait à l’avance qu’à chaque papier qui traite de l’éducation nationale, on va s’en prendre plein la poire. Les fêlés en tout genre, ceux qui ont besoin du net pour déverser leur fiel se retrouvent tous pour la chasse à l’enseignant. Donc même si je m’interdis de perdre mon temps à lire ces inepties (et cela quelque soit le sujet des articles d’ailleurs) dès fois je m’égare... et me retrouve en colère, tant pis pour moi.

Il y a deux trois petites choses que j’en ai assez d’entendre :

j’en ai assez d’entendre que les enseignants ne prendraient en compte que leurs propres intérêts, qu’ils seraient farouchement corpo et qu’ils seraient donc capables de s’opposer à une réforme bénéfique pour les élèves si elle ne l’est pas pour eux. Comme si l’intérêt des élèves n’était pas leur intérêt à eux, comme si le bien-être des enfants ne les intéressait pas en tant qu’enseignant, éducateur et parent la plupart du temps.

A l’inverse, l’intérêt des enseignants est souvent aussi celui des élèves car ceux-ci ont tout à perdre à se retrouver avec des profs qui ne croient pas à ce qu’ils font et sont en désaccord avec ce qu’on leur impose. Cessons donc de crier au corporatisme dès que les enseignants trouvent qu’une réforme n’est pas bonne.

En l’occurence si les enseignants se mettent aussi massivement en grève c’est parce qu’ils sont bien certains que la réforme des rythmes et sa déclinaison parisienne n’apportera rien de positif aux élèves. En tant qu’instit et mère je suis même persuadée que c’est le contraire !

J’en ai aussi ras le bol de ne pas avoir le droit de défendre mes conditions de travail sans qu’on crie au scandale. En tant que travailleuse je suis en droit de m’opposer à la dégradation que nous subissons depuis des années et que le décret ne fait que renforcer. J’en ai par-dessus la tête qu’on présente le métier d’instit (et de prof plus largement) comme un sacerdoce au nom duquel nous devrions tout accepter. Les conditions de travail se dégradent dans toutes les professions, dans le privé comme dans le public et j’ai trop l’impression de n’entendre que des plaintes et de croiser de plus en plus de personnes en dépression à cause de ce que certains appellent la souffrance au travail qui n’est rien d’autre que l’exploitation qu’on n’a pas réussi à combattre collectivement. Chaque individu est donc renvoyé à un traitement personnel de l’exploitation là où avant il y avait une réponse collective.

Il n’y a donc pas un affreux réflexe corpo qui s’exercerait contre le bien-être des élèves mais une réponse collective face à la privatisation de la fonction publique (précarisation, flexibilité, autoritarisme, contrôle, isolement) dans un monde de m......

De plus (je suis désolée, j’ai de nombreux sujets d’irritation) j’en ai aussi assez d’entendre qu’il faut proposer quelque chose pour les rythmes scolaires. Quand on veut être sûr de s’engueuler , y’a qu’à sortir la question des rythmes scolaires, à tout les coups on gagne, y compris parce qu’on dit tout et son contraire, à commencer par les chronobiologistes. Aucune étude n’a démontré que les résultats scolaires n’étaient meilleurs (si c’est ça l’objectif à atteindre) ni les inégalités sociales réduites avec une semaine à 4 jours ou une à 4 jours et demi ( il se trouvait qu’il y avait des écoles qui fonctionnaient sur 4 jours lorsque nous étions pour la majorité sur 4 jours et demi). En revanche comme on utilise les chiffres uniquement dans l’optique de faire passer une réforme, lorsqu’on a supprimé le samedi matin c’était soi-disant parce que les élèves français avaient plus de jours de classes que la majorité des autres élèves européens, maintenant on trouve qu’ils en ont moins (ben évidemment puisque c’était le but) et que leur journée est trop longue, une fois qu’on aura réduit la journée de 45 minutes, on va trouver quoi pour expliquer la fatigue des élèves et leurs mauvais résultats aux évaluations européennes et mondiales (dont les résultats sortent toujours avant une nouvelle réforme) ? Comme si le plus important n’était pas ce qui se passe en classe mais le temps qu’on y passe, que vaut-il mieux, passer 6 heures à faire des trucs intéressants dans une ambiance sereine (parce que moins d’élèves, plus d’enseignants, parce qu’on n’est pas seul tout le temps dans sa classe, parce qu’on peut partir en classe de nature, parce qu’il y aurait à nouveau des maîtres G, parce que le programme ne serait pas aussi chargé, parce qu’on en finirait avec cette culture de l’évaluation, parce qu’on pourrait faire tous les projets qu’on veut avec des artistes etc... ) ou 5 h sans rien changer à cette école méritocratique qui met la pression sur les mômes dès la mater et oblige par la lourdeur des programmes et les évaluations à gaver les gamins comme des oies ? Donc moi ça ne me culpabilise pas le moins du monde de n’avoir pas de plan B pour les rythmes scolaires, occupons-nous de tout le reste. Par ailleurs ce n’est certainement pas en divisant les activités entre apprentissages scolaires d’un côté et pratiques périscolaires, de culture et de loisirs de l’autre qu’on va redonner aux élèves le goût de l’école ! à nous la grammaire et les maths, les tâches nobles et aux anims et autres intervenants les projets cirque et les sorties dans les musées !, on aura quand même le droit de sortir avec nos élèves ? ou bien ce ne sera pas assez scolaire ? on va faire de la sous-traitance et sortir tout le culturel, le sportif, le scientifique du temps scolaire ?

J’en ai ma claque d’entendre parler à droite à gauche (et notamment sur le café pédagogique) d’enseignants« innovants », de projets pédagogiques innovants ou pilotes, non pas que je sois contre les pratiques alternatives, au contraire, mais dès qu’il y a le mot « innovant » quelque part vous pouvez être sûr que l’état et le libéralisme à un moment ou un autre va mettre la main dessus et l’utiliser à ses propres fins. Ce n’est pas d’enseignants innovants dont nous avons besoin mais d’une autre société, dune école émancipatice avec des pédagogies vivantes. Fernand Oury pour la pédagogie Institutionnelle, Elise et Célestin Freinet, Fernand Deligny n’étaient pas des enseignants et éducateurs innovants, c’était des visionnaires. Nous n’avons pas besoin d’une refondation mais de nouvelles visions.

I.


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