L’École que nous voulons

lundi 6 février 2012
par  SUD Education 92

Le droit à l’éducation

La réalité de la massification ne doit pas occulter le fait qu’elle n’a jamais été l’objet d’une volonté politique claire et
assumée. Les insuffisances budgétaires chroniques qui s’aggravent depuis des décennies
montrent assez que le développement de la scolarisation n’a pas été réellement souhaité, ni même attendu, par
aucun des gouvernements successifs.

Le seul bilan que nous puissions donc faire de la massification est celui d’une
inadaptation continuelle de l’offre scolaire à la demande sociale d’éducation. Inadaptation à peine masquée par une
augmentation sans précédent de la précarité et de la flexibilité parmi les personnels enseignants et non enseignants.

C’est pourquoi la question budgétaire des moyens reste pour SUD éducation une question de politique scolaire
centrale qui ne peut être séparée de celle de la titularisation sans conditions de tous les précaires.

Mais faire entendre cette demande sociale c’est aussi accepter qu’elle s’exprime en termes de droits. En l’occurrence
 : un droit à l’éducation. Ce droit détermine avec d’autres (droits au logement, à l’emploi, à la santé...) une
revendication « de citoyenneté sociale » par principe réfractaire à la logique marchande. La reconnaissance d’une telle
citoyenneté n’est donc pas uniquement tributaire de décisions économiques ou budgétaires, mais d’une décision
politique. Elle n’exige pas seulement davantage de moyens, mais « une autre société ».

Garantir à tous l’accès à l’école dans des conditions matérielles satisfaisantes, ne suffit cependant pas à répondre à
une exigence de démocratisation de l’école. Ce droit à l’éducation resterait formel et abstrait s’il ne parvenait pas à
vaincre aussi les logiques sociales de reproduction que l’institution scolaire met systématiquement en œuvre.

Il paraît donc tout aussi nécessaire de rompre avec un vieux mythe : l’école de la République fut, et reste encore, la
présupposition inévitable d’une école de classe, plutôt que d’un ordre ou d’une caste. Ce n’est donc pas parce que
l’école n’est pas assez républicaine qu’elle apparaît être une école de classe, puisqu’elle l’a toujours été, dès son
origine et selon son principe. Au-delà des rappels historiques qui seraient nécessaires les personnels témoignent
quotidiennement de la persistance de la reproduction des structures sociales inégalitaires, que ce soit au travers de
la sélection ou de l’orientation scolaire. La massification a certes permis le déplacement des paliers sélectifs, mais
sans jamais compromettre les processus ségrégatifs qui ont, au mieux, seulement changé d’échelle. Si les systèmes
d’exclusions peuvent ainsi apparaître parfois moins brutaux, c’est parce qu’ils sont désormais plus fins en se
masquant derrière une jeu de filières ou de stratégies parentales (par exemple dans le choix des établissements...).
Mais c’est surtout parce qu’ils ne sont plus préalables à l’entrée dans le système scolaire, étant désormais
complètement intégrés à son mode de fonctionnement.
Insister sur les mécanismes de la reproduction sociale, ce n’est certainement pas éluder les tensions politiques et les
dynamiques sociales qui travaillent nécessairement de l’intérieur de l’institution scolaire. L’intervention des
personnels, et particulièrement des militants pédagogiques, reste de ce point de vue décisive. Il n’en demeure pas
moins illusoire de continuer à croire en la possibilité d’une autonomie de l’acte pédagogique à l’égard de toutes les
formes sociales et économiques de domination. Quelles que puissent être la valeur et la pertinence de certaines
recherches ou expériences pédagogiques, il faut, de manière élémentaire, rappeler qu’en dernière instance ce ne
sont pas ses discours et ses pratiques de fonctionnement qui énoncent le sens de l’école, mais bien plutôt sa place
et son rôle dans les rapports sociaux de production et de reproduction...

C’est pourquoi SUD éducation entend non pas seulement combattre telle ou telle réforme, dénoncer telle ou telle
pratique pédagogique ou révision des programmes, mais entend, au-delà des seuls personnels -avec les élèves et
les parents- , contribuer à la construction d’un mouvement social pour le droit à l’éducation.

Un faux débat

La faillite du vieux mythe républicain de l’école laisse aujourd’hui celle-ci en crise. Confrontée à la massification,
l’école de la République fait l’expérience de ses limites, et n’y résiste pas. Elle montre désormais qu’elle ne parvient
plus à rendre admissible et supportable la ghettoïsation sociale. Les personnels prennent conscience que les
problèmes qui surviennent à l’école ne sont pas d’abord et principalement ceux de l’école. Mais du coup ils se
retrouvent pris par une double contrainte (« double bind ») qui entretient trop souvent chez eux un douloureux
sentiment de culpabilité : comment remplir des fonctions de reproduction et de sélection sociale tout en assurant la
pacification sociale ?

Ne pouvant répondre à cette crise, le pouvoir politique a engagé une entreprise
idéologique de relégitimation de l’école et de ses fonctions reproductrices. Avec un certain savoir faire médiatique le
gouvernement est ainsi parvenu à cristalliser le débat sur des questions très largement déconnectées des réalités
sociales et concrètes de l’école. Depuis quelques années il n’est plus question que de l’opposition entre les partisans
de l’éducation et ceux de l’enseignement, les adeptes d’une réforme psycho-pégagogique de l’éducation et ceux
d’une transmission traditionnelle des savoirs. C’est avec complaisance que les syndicats de l’E.N ont alors cherché à
se positionner dans ce débat, parfois au prix de coûteuses contradictions politiques (le SNES signant par exemple un
appel commun avec le SNALC).

En rappelant que nous n’étions ni pour le statu quo ni pour une école libérale, SUD éducation a su, avec lucidité,
éviter de se laisser enfermer dans une telle problématique. Du simple point de vue des principes, il semble évident
que, dans la définition de sa mission, l’école a nécessairement une double fonction d’instruction (transmission de
savoirs) et d’éducation (transmission de valeurs). Ce n’est donc pas à ce niveau de généralités que les questions
peuvent se poser, et d’autant moins qu’il ne saurait y avoir ni de savoirs ni de valeurs socialement neutres. Le savoir
transmis est d’abord le savoir considéré comme socialement utile (il n’a donc pas seulement une valeur abstraite ou
culturelle) et les valeurs inculquées sont d’abord celles qui dominent dans un certain rapport de forces sociales (que
nommons-nous par exemple « incivilités » ?).
Qu’il s’agisse des partisans les plus académiques et les plus intransigeants des savoirs disciplinaires, ou qu’il
s’agisse de ceux qui prétendent promouvoir une rationalisation et une technologisation du travail d’éducation, jamais
la dépendance de la relation pédagogique à la relation sociale (et donc aux forces qui la traversent et la constituent)
n’est interrogée, ni même indiquée. SUD éducation entend certes favoriser la recherche pédagogique et militer pour
la reconnaissance de ses acquis progressistes, mais il entend aussi dénoncer la mystification « pédagogiste », son
idéal gestionnaire et pacificateur, ses slogans technico-humanitaires. Croire, par exemple, que l’échec scolaire (qui
répond avant tout à une nécessité sociale) puisse être combattu par la seule rationalisation de l’acte d’apprendre
(« apprendre à apprendre ») ou par le développement de nouvelles technologies, serait comme croire que les OGM
pourraient un jour réduire les famines du Tiers-Monde !

Par ailleurs, il est sans doute nécessaire de défocaliser la pression sociale sur l’école, en ajoutant même que
l’entretien complaisant d’un certain onirisme scolaire et éducatif a contribué, en laissant espérer à chacun de pouvoir
s’en sortir individuellement, à disqualifier encore davantage toute tentative, pour les classes exploitées, de lutter
collectivement pour leur salut. Mais cela ne saurait justifier que l’école soit située en position de quasi
transcendance, par rapport aux mécanismes élargis de la reproduction sociale, du fait de la prétendue universalité
des normes culturelles auxquelles elle se réfère. Nous ne pouvons pas croire que, recentrée sur ses tâches de
transmission des savoirs, l’école de la République devrait réaliser l’idéal d’une communauté de pure raison...
pourtant soumise au seul critère du mérite individuel. Nous ne voulons pas d’une école sanctuarisée en dehors de
laquelle pourraient bien continuer à régner les rapports d’exploitation, mais au sein de laquelle seule la prétendue
universalité de l’esprit et de la culture officierait. Il est temps de dénoncer ces formes d’idéalisme éducatif, de lever
tous ces leurres idéologiques et de reconnaître que la finalité dernière du discours de la réforme n’a jamais été autre
que d’assurer une adaptation fonctionnelle de l’école aux impératifs de l’économie libérale.

L’école n’est pas une marchandise

Derrière la réactivation des vieux mythes républicains -dont nous ne percevons plus que l’écho mourrant dans nos
établissements- ou les prétentions démagogiquement affichées, au renouveau pédagogique, se tient un très réel
projet libéral qui vise à confier l’école au marché en lui assignant comme seule fonction d’assurer « l’employabilité » de
chacun.

Si la massification n’a jamais été souhaitée, elle apparaît être désormais un handicap. Mal nécessaire lorsqu’il
s’agissait d’obtenir une main d’œuvre qualifiée et compétitive, elle semble aujourd’hui inutile et trop coûteuse,
particulièrement dans un contexte d’austérité budgétaire et de gel de l’emploi public. Elle ne correspond plus à
aucune exigence économique de formation, dès lors que le marché peut se satisfaire d’une main d’œuvre
simplement « employable » et perçoit même dans les qualifications -ainsi que les statuts, réglementations salariales...
qui vont avec- d’insupportables ’’rigidités’’.

Toutefois ce qui est nouveau n’est pas cette soumission du système éducatif aux exigences du monde économique,
mais la forme globale que celle-ci prend désormais et que SUD éducation a su dénoncer en indiquant très tôt la
cohérence des différents projets de réformes. Il importe de considérer que le projet libéral s’attaque
simultanément à plusieurs fronts qu’il serait ruineux de considérer de manière séparée. Par exemple, la modélisation
en termes de ’’compétence’’ du rapport pédagogique entre en résonance avec la dérégulation globale du système
éducatif (flexibilité, précarité etc.), avec sa « décentralisation » ou « déconcentration », ou encore avec sa
« marchandisation » informatique. C’est pourquoi il n’a jamais été question pour SUD éducation d’agiter seulement
quelques lobbies disciplinaires ou d’alimenter avec d’autres syndicats, des dérives corporatistes.

Ce qui seule peut donner cohérence et clarté à une critique des différentes politiques de réformes du système
éducatif actuellement menées, c’est une dénonciation sans ambiguïté des dogmes libéraux qui les motivent. De ce
point de vue SUD-Éducation s’inscrit dans un mouvement plus large que ne le laisserait présupposer son seul
champ de syndicalisation.

La conséquence la plus directe y est explicitement inscrite dans nos statuts. SUD-Éducation n’est pas un syndicat
d’enseignants, mais un syndicat de travailleurs dont l’école -et en partie donc l’enseignement- ne constitue que le
champ d’intervention. Ainsi est-ce par principe, et non pas seulement de manière conjoncturelle, que notre combat
syndical peut rencontrer celui d’autres travailleurs, et d’autant plus concrètement que nous avons en charge
l’éducation et l’instruction de leurs enfants.

Comme syndicat nous sommes donc en prise :
avec les conditions concrètes dans lesquelles les travailleurs de notre profession exercent leur métier et qui sont
celles, générales, de l’exploitation capitaliste du travail ;
avec les effets de cette exploitation tels que les subissent nos élèves et leurs parents.

C’est notre situation sur ce front social qui donne le sens de notre combat syndical pour une autre société et donc
une autre école.

SUD éducation 92


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