Samedi 10 mars : Assemblée Générale du Collectif des Professeurs de Philosophie d’Île-de-France

lundi 5 mars 2018
par  SUD Education 92

NOUS NE SOMMES PAS DUPES :

BLANQUER N’A PAS CHANGÉ D’OBJECTIF, MAIS SEULEMENT DE STRATÉGIE ET DE RYTHME

Par le Collectif des Professeurs de Philosophie d’Île-de-France

Certain.e.s professeur.e.s de philosophie ont peut-être éprouvé un certain soulagement en entendant les annonces de J-M. Blanquer sur la réforme du bac et du lycée :

la philosophie garderait 4h d’enseignement à l’année dans le cadre d’un tronc commun à tou.te.s les élèves de lycée général — en tous les cas dans l’immédiat —, ce qui représenterait même une augmentation d’une heure pour les élèves de l’actuelle filière S ;

en apparence, la semestrialisation serait écartée

en apparence, le statut des enseignant.e.s ne serait pas remis en cause

UN AVENIR EN RÉALITÉ INQUIÉTANT POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE

Cependant, même une première analyse rapide fait déjà apparaître de très sérieux problèmes :

1/ Un horaire toujours insuffisant en classes technologiques

L’horaire des classes technologiques reste à 2h par semaine, volume insuffisant, surtout en classe entière, avec des élèves en difficulté, pour faire un travail philosophique de qualité.

2/ Les dédoublements supprimés ?

Le Ministre n’a pas évoqué les heures de dédoublement, dont il semble falloir comprendre qu’elles seraient donc supprimées.

3/ Tronc commun = toutes les classes bourrées à 35 élèves

La mise en place d’un tronc commun impliquerait que toutes les classes (générales comme technologiques) seraient désormais à 35 élèves dans tous les établissements. Quelles conditions d’étude déplorables pour les élèves et pour les professeurs !

4/ Hausse du nombre d’élèves par professeur (140, 175, 210, etc.)

cela signifierait dans la plupart des cas une hausse importante du nombre d’élèves par professeur : cela ferait entre 140 élèves minimum pour un collègue ayant 4 classes, ou 175 élèves minimum pour un collègue ayant 5 classes, avec le nombre de copies et de bulletins correspondant ! On n’ose même pas penser au cas des collègues qui auraient 6 classes (3 classes générales en tronc commun et 3 classes technologiques) et donc 210 élèves ou 8 classes (technologiques) et donc 270 élèves. Il y aura très peu de collègues avec moins de 4 classes, car la spécialité

Humanités, Littérature et Philosophie » serait peu choisie et ne garantirait pas que le volume horaire de 6h soit confié nécessairement à un professeur de philosophie (cf. plus bas).

5/ L’épreuve de philosophie à la fin du mois de juin : délais de correction ou vacances raccourcis ? L’épreuve de philosophie du bac aurait lieu « à l a f i n d u m o i s d e j u i n » (sic !), avec des délais de correction encore plus réduits qu’aujourd’hui. Blanquer n’a pas caché qu’un des objectifs de sa réforme est d’achever la fameuse « reconquête du mois de juin »… qui est devenue en réalité la conquête par l’administration du mois de juillet au détriment des congés des personnels !

6/ La philosophie serait dévalorisée au yeux des élèves, car non prise en compte dans ParcoursSup

La philosophie, « épreuve universelle » et terminale, place en apparence prestigieuse, verrait son poids considérablement réduit, puisqu’elle serait de fait totalement exclue des notes prises en compte dans le cadre de ParcoursSup, la seule chose qui deviendrait importante aux yeux des élèves, le bac n’étant plus qu’un diplôme local de fin d’études secondaire ; cela modifierait inévitablement le rapport des élèves à la discipline.

7/ La philosophie ne ferait pas partie en tant que telle des disciplines pouvant être des spécialités

La philosophie n’apparaît pas en tant que telle dans les disciplines de spécialité prévues pour la Terminale ; il n’existe qu’un intitulé couvrant plusieurs champs « Humanités, littérature et philosophie » ; dans ces conditions, soit il existerait un programme unique pour cette spécialité et alors il faudrait que les professeurs de philosophie enseignent la littérature et réciproquement, dans une logique de polyvalence chère à Blanquer, soit — comme c’est plus probable —, cela confirme la logique du rapport Mathiot : la mise en place de nouveaux enseignements dont l’horaire seraient répartis entre disciplines selon des rapports de force locaux ; à moins que cela ne soit un mixte de ces deux possibilités.

8/ La spécialité « Humanités, littérature, philosophie » serait condamnée à se réduire à peau de chagrin à cause de la course à l’employabilité et de la sélection à l’entrée de l’université

En outre, la spécialité « Humanités, littérature, philosophie », correspondant à l’actuelle filière L serait sans doute très peu choisie par les élèves, sauf dans certains quartiers ou établissements, car cette spécialité se trouverait dans peu d’« attendus » pour s’inscrire en licence ; en ce sens, cela impliquerait assez rapidement la mise à mort de l’actuelle filière L, qui compte environ 25001 classes en France aujourd’hui et qui se réduirait alors très vite au mieux à quelques centaines, concentrées dans les meilleurs lycées.

9/ Des suppressions massives de postes de professeurs de philosophie

La réforme aboutirait rapidement par ce biais à la suppression d’environ 500 à 700 postes de philosophie, soit entre 10% et 15% des 5000 professeurs de philosophie ; cela viendrait de la suppression d’environ 1000 postes ETP soit plus de 20% des effectifs de professeurs, impliquée par la division par 5 du nombre de classes correspondant aux actuelles TL ; mais il faudrait prendre en compte le fait que les élèves actuellement en TS auraient — au moins provisoirement, le temps de faire avaler la réforme — 1h de philosophie en plus par semaine, ce qui correspondrait à environ 300 et 500 postes ETP2. On comprend mieux dans ces conditions la baisse de 20% des postes au concours et le plan de départ volontaire préparé pour les fonctionnaires…

10/ Les suppressions de postes dans le secondaire pousseraient à des suppressions de postes dans le supérieur et à la fermeture de nombreux UFR de philosophie

Cette réduction drastique des débouchés atteindrait par contrecoup la filière universitaire de philosophie, dont les effectifs subiraient une nouvelle baisse brutale, puisque le principal « débouché » de ces études est l’enseignement de la philosophie. Cela se répercuterait aussi sur le nombre d’enseignant.e.s de philosophie dans le supérieur. Cette baisse du nombre d’étudiants et des débouchés viendrait en retour encore faire baisser le nombre des élèves de lycée qui choisiraient cette spécialité…

11/ Les professeur.e.s de philosophie transformé.e.s en VRP de leur propre discipline ?

Pour essayer de garder tant bien que mal quelques élèves, les professeurs de philosophie devraient tout d’abord se transformer en VRP de leur discipline, aller démarcher les élèves de Seconde, et par là se battre avec les collègues des autres disciplines pour gagner des client.e.s dans ce nouveau marché crée par le lycée modulaire ; ils/elles seraient également poussés à adopter la forme et le contenu de leur enseignement selon des critères extérieurs à la discipline pour le rendre « attractif » selon les normes de la société marchande.

Mais ce n’est pas tout…

UNE RÉFORME QUI REPREND LES PRINCIPES DU RAPPORT MATHIOT :

Bac maison, lycée modulaire, sélection, employabilité, casse du statut, réduction des horaires, un rouleau compresseur qui ferait exploser les inégalités

Le plus grave est en réalité que la réforme Blanquer du bac et du lycée reprend les principes du projet qui se dégageaient du rapport Mathiot, lui-même bien évidemment inspiré par Blanquer :

1/ Du bac national au bac local

Le bac cesserait d’être national pour devenir local, en raison de l’introduction massive du contrôle continu.

2/ Conséquences en chaîne de la liquidation du caractère national du bac sur tout le système

Or, le bac est la clef de voûte de tout le système : cela impliquerait à court terme la remise en cause des programmes et des horaires nationaux, ainsi qu’une « autonomie » accrue des établissements, avec toutes ses implications, à la fois pour les élèves, pour les horaires et pour les personnels sur le plan statutaire, avec une explosion des inégalités jusque-là relativement contenues par le caractère national du système d’enseignement

3/ Un lycée soumis à la seule logique de l’employabilité et du marché

Le lycée deviendrait modulaire et serait organisé de plus en plus exclusivement à des fins d’employabilité et d’insertion professionnelle, comme en témoigne l’horaire dédié qui y serait consacré dès la classe de Seconde

4/ La sélection à l’entrée de l’université, qui en expulserait encore davantage les classes populaires

Cette réforme du lycée est inséparable de l’instauration officielle de la sélection à l’entrée de l’université, qui vise à en expulser encore davantage les jeunes issus des milieux populaires

5/ Aucun moyen supplémentaire pour permettre aux élèves d’être mieux formés : tout le contraire !

La réforme du lycée ne se ferait même pas à moyens constants, mais avec une économie impliquée notamment par les suppressions de postes permises par les classes partout à 35 élèves, avec l’instauration du tronc commun. Rien n’est prévu pour aider les élèves les plus en difficulté, souvent issus des milieux populaires.

6/ L’annualisation du temps de travail n’est pas écartée, bien au contraire

L’annualisation du temps de travail n’est pas du tout écartée, mais au mieux repoussée à un plus tard, puisque l’ « aide à l’orientation » se ferait, dès la Seconde, sur un « volume annuel de 54h », actant ce principe pour préparer une généralisation de ce genre de dispositif avec ses conséquences statutaires pour les enseignant.e.s. Or une telle annualiation alourdirait encore le temps de travail, en obligeant à « rattraper » les jours fériés non travaillés, les jours où nous n’avons pas cours en raison d’une sortie, d’une période de stage de nos élèves, etc.

7/ Le transfert de l’enseignement professionnel aux Régions et aux CCI

La réforme du lycée général et technologique irait de pair avec le transfert de l’enseignement professionnel aux Régions et aux Chambre de Commerce et d’Industrie, qui impliquerait l’alignement sur le modèle de l’apprentissage, réduisant la formation généraliste et utilisant les jeunes en formation comme main d’œuvre ultra bon marché.

SOUS LA PRESSION DU DÉBUT DE MOBILISATION,

LE GOUVERNEMENT FAIT MINE DE RECULER POUR FAIRE PASSER L’ESSENTIEL,

En outre, au même moment, le gouvernement annonce un plan de départ volontaire pour la Fonction Publique, un recours accru à des personnels précaires et prépare un décret pour autoriser les licenciements dans la Fonction publique hospitalière. N’oublions pas non plus que Blanquer a annoncé à l’Assemblée Nationale le 16 janvier 2018 une réforme du recrutement et du statut des enseignant.e.s dans « les mois à venir ».

Bref, il n’y aucun doute : Blanquer et Macron n’ont pas changé d’objectif, mais simplement de rythme et de stratégie — changement qui pouvait d’ailleurs faire partie dès le départ de la stratégie globale intégrant un ajustement des formes et du rythme de la réforme face aux réactions face à un rapport volontairement maximaliste afin de faire apparaître par contraste la réforme du Ministre comme assez inoffensive.

Constatant le début des mobilisations avant même la présentation officielle du projet, sentant les convergences se construire entre enseignement secondaire et enseignement supérieur, entre professeurs, élèves, parents d’élèves, et étudiants, confronté à une première grève bien plus suivie qu’on ne l’a dit sur certains établissements, ceux sur lesquels un travail d’information approfondie et de mobilisation avait été fait, le gouvernement a décidé de maquiller et de saucissonner son projet pour essayer de tuer dans l’œuf la puissante mobilisation en germe. Cela doit être un encouragement pour nous, à développer l’information et à approfondir la mobilisation. Contrairement à ce que l’on cherche à nous faire croire, il est possible de construire un mouvement massif et d’infliger une défaite au gouvernement.

En outre, la logique de l’employabilité, couplée à celle d’économies budgétaires, ne pourrait que conduire rapidement à la réduction des horaires par discipline et notamment des horaires de philosophie, matière superflue dans la logique de l’employabilité et de l’insertion professionnelle. Ne nous laissons pas tromper par l’affichage des 4h, car ce serait un jeu d’enfant pour le pouvoir de le ramener de 4h à 3h ou 2h, s’il parvenait d’abord à faire passer une réforme de l’ampleur de celle qu’il porte actuellement, ou à laisser le nombre d’heures dévolu à chaque discipline selon les rapports de forces locaux. N’oublions pas que le même gouvernement a supprimé cette année près de 35% de postes aux concours de l’enseignement public, dont – 20% au CAPES de philosophie.

COMBATTRE LE PIÈGE DES CONCERTATIONS ET CONSTRUIRE LA MOBILISATION POUR LE RETRAIT !

Si nous laissions passer cette réforme, avec l’ensemble de ses principes, il ne serait pas difficile pour le gouvernement à brève échéance, d’en tirer toutes les conséquences : réduction des horaires par discipline, semestrialisation, annualisation du temps de travail, remise en cause du statut, etc.

Avec sa stratégie plus prudente, le gouvernement espère rassurer les uns, freiner les autres, diviser les fronts en train de se constituer, pour battre successivement ces résistances les unes après les autres et réussir à :

imposer aux élèves la sélection à l’entrée de l’université, le bac local et le lycée modulaire fait pour assurer l’employabilité et l’insertion professionnelle,

avant d’aggraver l’autonomie et de pulvériser le statut des enseignant.e.s.,

d’augmenter les frais d’inscription à l’université et de privatiser radicalement l’enseignement,

afin d’imposer au bout du compte à tou.te.s la loi Travail (El Khomri + Pénicaud) et son monde.

A nouveau, il va tenter de bloquer les mobilisations en lançant une nouvelle « concertation » portant explicitement sur « les modalités de mise en œuvre du nouveau baccalauréat et des évolutions du lycée ». Il serait dramatique que les directions de nos syndicats acceptent plus longtemps ce jeu de dupes, alors que le projet de Blanquer est parfaitement clair.

Nous ne voulons pas discuter les modalités de ces réformes : nous en rejetons le principe.

C’est pourquoi, le collectif des professeurs de philosophie d’Ile-de-France appelle l’ensemble des collègues à poursuivre la lutte pour obtenir le retrait de l’ensemble de ces contre-réformes, conformément à sa plateforme constitutive. Il apportera des compléments d’analyse ultérieurement.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE : SAMEDI 10 MARS 2018, de 14h00 à 18h00

En ce sens, il appelle à la tenue d’une nouvelle Assemblée Générale des professeurs de philosophie le samedi 10 mars 2018 de 14h00 à 18h00, à la Bourse du Travail de Paris ;

3, rue du Château d’eau, 75010, Paris ; métro : République
(Salle Jean Jaurès)

Afin de débattre de la manière de construire une lutte de masse, unie et déterminée, pour gagner !

Plateforme du collectif des professeurs de philosophie d’Ile-de-France (3 février 2018)

Ni amendable, ni négociable : retrait du projet de réforme du bac et du lycée !

Non bac au bac maison ! Maintien du bac comme diplôme national et comme condition suffisante pour s’inscrire à l’université dans la filière de son choix

A bas la sélection à l’entrée de l’université : fac ouverte aux enfants d’ouvriers et d’employés ! Retrait du projet de loi Vidal/ORE !

Contre l’atomisation des savoirs et savoir-faire ! Pour une école critique, émancipatrice et populaire : nous ne sommes pas là pour formater et trier la future main d’œuvre, mais pour contribuer à aider la jeunesse à s’auto-émanciper !

Pour un système d’éducation nationale, des programmes nationaux, contre l’autonomie qui renforce les inégalités !
Des moyens à la hauteur des besoins, en Éducation Prioritaire et partout ailleurs pour aller vers l’égalité réelle ! Construction de nouvelles écoles, collèges, lycées, universités ! Abaissement des effectifs par classe, vers 24 élèves ! Des dédoublements autant que nécessaires !

Aucun licenciement de contractuel.le.s ! Titularisation de tou.te.s sans condition de concours ni de nationalité et fin des emplois précaires !

Pas touche au statut : ni annualisation, ni temps de présence obligatoire, ni dénaturation du métier, ni transfert à la fonction publique territoriale !

Non aux réformes néolibérales et à leur monde !

1 Nous avons entendu le chiffre de 2300 classes de TL récemment, mais n’avons pas pu retrouver la source. Selon les statistiques du MEN, il y avait 58 000 élèves TL (2017). En outre, selon le rapport de la Cour des Comptes (de 2015) sur le coût du lycée, l’élève de L est le plus cher de tou.te.s, notamment en raison des faibles effectifs moyens d’élèves en TL, estimés à 20, et du grand nombre d’options existantes dans cette filière. Selon ces chiffres, il y aurait alors plutôt 2800 TL aujourd’hui en France. Pour notre calcul, nous avons pris un chiffre approximatif, celui de 2500 TL (pour 2500 lycées en incluant public et privé).

2 Ce serait 300 postes si tous les élèves étaient placés dans des classes à 35 et 500 postes si l’on gardait à peu près la structure actuelle avec des classes à plus faibles effectifs. On doit tenir compte dans les calculs du fait que, aujourd’hui, il existe encore plus de 65% des classes qui ont des effectifs inférieurs à 35 et parfois bien plus bas. Le rapport de la Cour de Compte de 2015 estimait par exemple à 21 le nombre d’élèves moyen en TS, à 24 le nombre d’élèves moyen en TES, etc.


Documents joints

PDF - 226.7 kio
PDF - 117.1 kio

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